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LES OISEAUX DE PROIE

ment où le capitaine disait ces mots et dans la vieille pupille grise du gentleman, Valentin entrevit une sorte d’étincelle qui produisit sur lui un très-désagréable effet.

« Quelle mauvaise action rumine-t-il en ce moment ? se demanda-t-il à lui-même. Je connais cette expression dans les yeux de mon Horatio, et je sais que c’est toujours un mauvais signe. »

George fit son apparition à La Pelouse cinq minutes après que son frère venait d’arriver de la Cité. Il entra avec son sans-gêne habituel, sachant très-bien qu’il était plutôt supporté qu’aimé par les deux dames et seulement toléré comme une dure nécessité par le maître de la maison.

« Je viens manger une côtelette avec vous, Philippe, dit-il, afin que nous puissions causer tranquillement après dîner. Il n’y a pas moyen de vous dire six paroles de suite dans la Cité, au milieu des interruptions de vos commis. »

On parla peu pendant le dîner. Charlotte et son beau-père demeurèrent pensifs. Diana passa son temps à écouter les niaiseries que lui débitait sotto voce Mme Sheldon, à l’égard de laquelle la jeune fille se montrait admirablement patiente. Son indulgence et sa gentillesse envers Georgy lui coûtaient quelques efforts ; elle espérait par là se dégager de sa tristesse, des amers sentiments qui assaillaient son cœur condamné à être témoin du bonheur des deux amants.

George se dévoua particulièrement à un certain vin de Sherry sec qu’il affectionnait : c’était un homme qui eût dîné et se fût délecté à la table de Judas Iscariote lui-même, tout en le tenant pour un traître.

« Voilà un faisan plus que parfait, Philippe, dit-il, après avoir fait tomber sur son assiette deux cuisses et