Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
LES OISEAUX DE PROIE

prunter. Lorsque j’en gagnerai plus, il éprouvera le besoin de m’en emprunter davantage, et, bien qu’il me soit très-doux de travailler pour Charlotte, il ne me serait nullement agréable de me faire l’esclave de mon ami Paget. Si je lui offrais une livre par semaine, en lui demandant de se retirer dans les profondeurs du pays de Galles ou des Cornouailles, de s’amender et d’y vivre en ermite repentant ? Je crois que je pourrais prendre sur moi de sacrifier une livre par semaine s’il y avait quelque espoir que Paget pût cesser d’être… Paget, de ce côté du tombeau. Non ; j’ai le malheur d’être intimement lié avec ce gentleman. Lorsqu’il surnage, comme il dit, et gagne de l’argent pour son propre compte, il se paie des dîners fins et des gants à cinq shillings la paire ; mais lorsqu’il n’aura pas eu de chance, il viendra me retrouver et se lamenter à ma barbe. »

Cette pensée n’était nullement douce à Haukehurst. Dans sa vie passée, il s’était distingué par une insouciance de bohème, il avait même fait preuve d’une générosité plus que bohémienne avec ses amis et compagnons, mais maintenant tout était changé. Il n’était plus insouciant. Un certain résultat lui était demandé comme prix de la main de Charlotte, et il s’était mis à la tâche avec toute la persévérance et l’énergie nécessaires. Il avait même besoin de s’imposer des restrictions dans la crainte que son ardeur ne l’entraînât trop loin, qu’elle ne l’exposât à succomber sous un excès de travail, tant il lui tardait d’avancer vers le temple qu’il entrevoyait au bout de son chemin, tant lui paraissait charmante cette œuvre d’amour accomplie en l’honneur de sa Charlotte.

Il s’interrogeait souvent sur cette irritante question