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LES OISEAUX DE PROIE

très-bon pour moi… au sujet… au sujet de Valentin. Je pensais que vous vous opposeriez certainement à mon mariage comme à une imprudence, voyez-vous, et…

— Je m’oppose à votre mariage comme à une imprudence pour le présent, et je n’y consens pour l’avenir que sous la condition que M. Haukehurst se sera d’abord fait un nom dans la littérature. Il paraît avoir du talent.

— Oh ! oui, en vérité, cher papa, s’écria la jeune fille charmée de cet éloge de son amoureux, il a plus que du talent. Je suis sûre que vous diriez comme moi si vous aviez le temps de lire son article sur Mme de Sévigné.

— Je ne doute pas qu’il ne soit très-remarquable, ma chère, mais je me soucie fort peu de Mme de Sévigné.

— Ou bien son essai sur la vie de Bossuet.

— Ma chère enfant, je ne sais même pas ce que c’était que Bossuet. Tout ce que je veux de M. Haukehurst, c’est qu’il s’assure un renom suffisant avant qu’il vous fasse sortir de cette maison. Vous avez été habituée à un certain genre de vie, et je ne puis pas admettre que vous soyez exposée à la pauvreté.

— Mais, cher papa, la pauvreté ne m’effraie pas du tout.

— Je le comprends, ma chère, vous n’avez jamais été pauvre, répliqua froidement Sheldon ; mais la pauvreté et moi avons jadis voyagé de compagnie ; je la connais et je ne désire pas la rencontrer de nouveau. »

Sheldon devint silencieux ; ces derniers mots avaient été adressés à lui-même plutôt qu’à Charlotte, et les pensées qui les accompagnaient semblaient ne lui être rien moins qu’agréables.

Charlotte était assise en face de son beau-père, attendant qu’il reprît la parole ; elle regardait les volumes