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LES OISEAUX DE PROIE

aucune preuve qui puisse avoir la moindre valeur pour George.

Je fis une copie de ces deux lettres ; la première, écrite un mois avant la mort de Matthieu ; la seconde, quinze jours après cet événement.

« … J’ai dernièrement été tourmentée au sujet de l’état d’esprit de mon mari. Ces accès de mélancolie dont je vous ai déjà informé lui ont repris. Pendant quelque temps, j’ai cru que cette disposition d’esprit était le signe des troubles d’une âme qui veut se régénérer ; mais dans le courant du mois dernier, j’ai eu le chagrin de découvrir qu’il fallait attribuer cette sorte de spleen à l’influence du mauvais esprit. M. Haygarth se plaît à dire que sa vie touche à sa fin. Cette pensée me paraît venir en droite ligne de l’Enfer. Mon mari se porte comme il s’est toujours porté ; il le reconnaît lui-même, et un instant après il s’écrie qu’il va mourir. Dimanche dernier, dans la soirée, nouvel accès. Les prières étaient faites, il prit soudainement la parole comme il en a coutume.

« — Je voudrais te dire quelque chose, femme, s’écria-t-il, quelque chose qui touche à mon existence vagabonde à Londres et qu’il importe de te faire connaître.

« Je m’empressai de lui répondre que je n’avais aucun désir d’entendre parler de ces tristes jours, qu’il ferait mieux de se taire et d’écouter respectueusement l’explication des Écritures que M. Humphrey Bagot, notre digne pasteur et ami, avait promis de venir nous faire après souper. Nous étions assis en ce moment dans la chambre bleue, la table était dressée pour le souper, et nous attendions notre ami, un