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LES OISEAUX DE PROIE

Le jour qui suivit cette entrevue avec Mme Woolper, l’agent de change revint de la Cité une heure ou deux plus tôt qu’à l’ordinaire, et surprit Mlle Halliday par son apparition dans le jardin où elle se promenait seule, plus jolie que jamais, avec son chapeau noir et sa jaquette d’hiver. Elle marchait vite.

« Je désirerais causer un moment avec vous, Charlotte, dit Sheldon. Le mieux est d’aller dans mon cabinet, où nous serons à peu près sûrs de ne pas être interrompus. »

La jeune fille devint cramoisie, ne doutant pas que Sheldon allait lui parler de son mariage. Valentin lui avait raconté l’entrevue très-satisfaisante de la salle à manger, et depuis ce moment, elle avait cherché une occasion pour remercier son beau-père de sa générosité. Cette occasion ne s’était pas encore présentée, et elle ne savait comment s’y prendre pour lui exprimer combien elle lui était reconnaissante.

« J’ai vraiment à le remercier, s’était-elle dit plus d’une fois à elle-même, je m’attendais absolument à ce qu’il ferait tout ce qui dépendrait de lui pour empêcher mon mariage avec Valentin, et au lieu de cela, il y consent, et nous promet même une fortune. Je ne puis me dispenser de lui dire combien j’apprécie sa générosité. »

Peut-être n’y a-t-il pas de tâche plus difficile que d’exprimer de la gratitude à une personne pour laquelle on n’a jusqu’alors éprouvé qu’un sentiment voisin de l’aversion. En tout temps, depuis le second mariage de sa mère, Charlotte avait lutté contre une répugnance instinctive pour la société de Sheldon, elle n’avait pu se défendre d’une défiance innée de l’affection qu’il lui témoignait, mais à présent qu’il lui avait prouvé sa sin-