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LES OISEAUX DE PROIE

d’un homme. Allez entendre Charlotte jouer du piano pendant que je lirai les journaux du soir et que j’écrirai quelques lettres. Vous pouvez lui apprendre que nous nous entendons, vous et moi. Du reste, nous vous verrons souvent, je pense. Vous viendrez manger la dinde de Noël avec nous… et le reste. Je me fie à votre honneur pour la fidèle exécution de la promesse que vous venez de me faire, dit Sheldon. Et je veillerai soigneusement sur vous et sur la jeune personne, mon bon ami, » ajouta à part lui le gentleman.

Le cabinet de Sheldon n’avait en soi rien qui portât à l’inspiration. Ses idées d’un sanctum sanctorum étaient très-vulgaires : une simple pièce carrée, garnie de monstrueux casiers, avec une frêle balance de cuivre pour peser les lettres, une presse à copier, une vaste corbeille pour jeter les papiers, un grand encrier de bureau garni en cuivre, capable de contenir un quart de litre d’encre, au moins, et un almanach des adresses était tout ce dont il avait besoin pour ses heures de loisir ou de méditation. Dans une belle bibliothèque vitrée, placée du côté opposé à son bureau s’étalaient les œuvres de Shakespeare, Hume, Smollett, Fielding, Gibbon ; mais, excepté les jours où Georgy époussetait de ses belles mains les livres sacrés, les portes vitrées de la bibliothèque n’étaient jamais ouvertes.

Sheldon tourna le bec de gaz, s’assit devant son bureau, et prit sa plume. Une main de papier à lettre, avec son adresse de la Cité en tête, était à la portée de sa main, mais il ne commença pas à écrire immédiatement. Il resta assis quelque temps, les coudes posés sur la table et le menton dans ses mains, réfléchissant.

« Puis-je me fier à elle ? se demandait-il à lui-même, est-il sûr de l’avoir auprès de moi… après… après ce