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LES OISEAUX DE PROIE

à vingt, et avec de la chance à trente… quarante… cinquante… il faut seulement qu’un homme arrive à une sorte de réputation pour se faire avec sa plume une existence possible.

— Je suis très-aisé d’entendre cela et quand vous pourrez me prouver clairement que vous gagnez trente livres par mois, vous aurez mon consentement. Je ferai de mon côté ce que je pourrai pour vous mettre à même de bien débuter dans la vie. Vous savez, je suppose, qu’elle n’a pas au monde six pence qui lui appartiennent en propre ? »

C’était une question embarrassante pour Haukehurst. Sheldon fixait sur lui son regard scrutateur, en attendant une réponse. Le jeune homme devint très-rouge, puis ensuite très-pâle, avant de reprendre la parole.

« Oui, dit-il, il y a longtemps que je sais que Mlle Halliday n’a aucun droit légal à la fortune de son père.

— Ce que vous dites là est vrai, s’écria Sheldon, légalement elle n’a pas le moindre droit, mais pour un homme honorable, la question n’est pas là. La fortune du pauvre Tom s’élevait à quelque chose comme dix-huit mille livres. Cette somme est devenue mienne lorsque j’ai épousé la veuve de mon pauvre ami. Elle m’aimait d’une affection trop respectueuse pour me créer des embarras qui auraient pu m’empêcher de faire bon usage de son argent et je n’ai pas besoin de vous dire que j’en ai tiré parti de la façon la plus avantageuse pour moi et pour Georgy. Je puis donc être généreux et j’entends l’être ; seulement, c’est à moi de faire les choses comme il me convient. Mes propres enfants sont morts, de sorte qu’il n’y a personne de ma famille qui puisse faire concurrence à Mlle Halliday. Quand je viendrai à mourir, elle héritera d’une belle fortune, et