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LES OISEAUX DE PROIE

Les joues de Charlotte devinrent rouges comme des pivoines.

« Vous irez tout à l’heure rejoindre ces dames et elles tourmenteront à leur aise leur pauvre petit piano pour votre édification. Il faut d’abord que vous goûtiez de ce porto. »

Valentin, après avoir conduit les dames jusqu’à la porte, reprit son siège avec soumission. Si une bataille devait avoir lieu entre lui et Philippe, plus tôt la charge sonnerait, mieux cela vaudrait.

« Son étonnante politesse me ferait presque penser qu’il a réellement envie de se débarrasser de cette chère enfant, » se dit Valentin à lui-même pendant qu’il remplissait son verre, en attendant gravement le bon plaisir de Sheldon.

« À présent, mon cher, commença à dire le gentleman en se carrant dans son confortable fauteuil et en étendant ses jambes devant le gai foyer, causons un peu de bonne amitié. Je n’aime pas à battre les buissons, vous le savez, et quelle que soit la chose que j’aie à vous dire, je la dirai nettement. En premier lieu, j’espère que vous n’avez pas une assez mauvaise opinion de ma clairvoyance pour supposer que je ne me suis pas aperçu de ce qui se passe entre vous et Charlotte.

— Mon cher monsieur Sheldon, je…

— Écoutez d’abord ce que j’ai à vous dire, vous ferez vos protestations après… vous n’avez pas à vous alarmer ; vous ne me trouverez pas tout à fait aussi mauvais que les belles-mères de romans. Vous me trouverez même de très-bonne composition, mais il est bien entendu que vous agirez de votre côté avec la même franchise, la même honorabilité.