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LES OISEAUX DE PROIE

n’éclata pas ; il n’y eut pas la moindre brise, Sheldon salua amicalement sa belle-fille et dit bonsoir à son amoureux avec une cordialité significative.

« Comment allez-vous, Haukehurst ? dit-il de son ton le plus doux, il y a un siècle que je ne vous ai vu. Vous vous lancez dans la littérature, à ce que j’ai entendu dire ; c’est une très-bonne chose quand cela rapporte. J’ai ouï dire qu’il y a des gens qui trouvent moyen de s’y tirer d’affaire. Y a-t-il longtemps que vous n’avez vu mon frère ? Oh ! non, car pour vous George est tout à fait un Damon, et comment s’appelait l’autre ?… Vous allez dîner avec nous, bien sûr ? Je crois que le dîner est prêt, hein, Georgy… il est six heures et demie ? »

Haukehurst fit une toute petite résistance, prétextant un autre engagement ; car en supposant que Sheldon ne sût rien, il lui répugnait de profiter de son ignorance ; mais, après avoir faiblement exprimé son refus, il regarda Charlotte, et les yeux de Charlotte lui dirent : « Restez ! » aussi clairement que possible. Bref, il resta ; ce qui fit qu’il prit sa part du poisson, du roatsbeef, du pudding, et goûta d’un excellent vin de Moselle que, par une courtoisie qui ne lui était pas habituelle, Sheldon fit apporter à son intention.

Après le dîner, l’on servit des oranges et des gâteaux secs ; puis un carafon de sherry, posé sur un rond en argent, un carafon de porto que Sheldon déclara presque être d’une qualité trop fine pour être bu et au mérite de laquelle Valentin fut complétement indifférent. Le jeune homme eût cent mille fois préféré suivre son idole lorsqu’elle accompagna au salon sa maman et Diana, mais Sheldon le retint.

« J’ai besoin de causer un moment avec vous, Haukehurst, » dit-il.