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LES OISEAUX DE PROIE

— Et bien entendu cela veut dire le consentement de mon frère, s’exclama George avec une dédaigneuse impatience. Quel lent et maladroit garçon vous faites ! Vous avez devant vous une immense fortune qui vous attend, une jeune fille qui vous aime, et vous perdez votre temps, vous hésitez, comme s’il s’agissait d’aller chez un dentiste pour vous faire arracher une dent. Vous avez rencontré une position que tout homme envierait, et il semble que vous soyez tout à fait incapable d’estimer à sa juste valeur la bonne chance qui s’offre à vous.

— Eh bien, peut-être suis-je lent à me faire à l’idée de ma bonne fortune, répondit Valentin d’un air encore plus rêveur ; mais, voyez-vous d’abord, je ne puis surmonter une sorte de doute à l’égard de cette succession des Haygarth. Elle est trop pareille à l’étoffe dont on fabrique les rêves et les romans. En second lieu, j’aime si sincèrement Mlle Halliday que je ne puis supporter l’idée que mon mariage avec elle puisse en aucune façon faire partie du traité qui existe entre vous et moi. »

Sheldon contempla son associé avec un dédain non dissimulé.

« N’essayez pas de jouer ce jeu avec moi, dit-il. Ce biais sentimental peut très-bien réussir avec quelques hommes, mais je suis le dernier de tous qu’il puisse tromper. Vous jouez à qui perd gagne avec moi, vous voulez me mettre dehors… comme mon frère, s’il en trouvait le moyen.

— Je ne joue pas à qui perd gagne avec vous, répondit Valentin, insolent et impassible. J’ai travaillé pour vous fidèlement. J’ai gardé votre secret, quelques tentations que j’aie éprouvées de le révéler. C’est vous qui avez fait le marché avec moi et j’ai exécuté à la lettre