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LES OISEAUX DE PROIE

jour. Oh ! si j’étais poète, quels chants harmonieux je dédierais dans l’intervalle a mes amours, mais je ne suis qu’un pauvre diable très-prosaïque, et ne puis trouver de mots dignes pour peindre ce que je ressens. »

Si les stalles ou les loges ne pouvaient servir d’excuse pour des visites, elles fournissaient du moins un prétexte de correspondance, et nul autre qu’un amoureux n’aurait pu comprendre que l’on pût écrire d’aussi longues lettres sur un aussi petit sujet. Les lettres ne restaient pas sans réponses ; et, lorsque l’envoi était une loge, Haukehurst était généralement invité à venir occuper l’une des places. Ah ! dans ces bienheureuses soirées, combien pesaient peu la pièce, la vivacité du dialogue, la vérité des caractères, tout paraissait également délicieux aux deux amoureux ; car une lumière qui ne venait ni de la terre, ni du ciel, pendant qu’ils étaient à côté l’un de l’autre, illuminait tout ce qu’ils regardaient.

Et pendant toutes ces douces après-midi, pendant ces soirées au théâtre, Diana, assise près d’eux, était témoin d’un bonheur qu’elle avait rêvé pour elle-même. Sa présence, dans ces occasions, était l’un de ses devoirs, et elle le remplissait ponctuellement. Elle eût pu imaginer un prétexte pour s’en abstenir, mais elle avait trop de fierté dans l’âme pour le chercher.

« Ce serait une lâcheté de faire un mensonge pour m’éviter un peu plus ou moins de peine, pensait-elle. D’ailleurs, si je prétexte un mal de tête pour rester dans ma chambre, la soirée me paraîtra-t-elle moins longue ou moins pénible ? Il n’y aura que la différence entre une douleur triste et une douleur aiguë, et une douleur aiguë est, je crois, plus facile à supporter. »

Ayant ainsi argumenté avec elle-même, Mlle Paget