Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LES OISEAUX DE PROIE

version de cette âme égarée. Vous savez à quel point défunt mon respectable père a désiré que Matthieu et moi nous soyons unis par des liens sacrés. Son père et le mien ont été amis intimes du temps de sa Très-Gracieuse Majesté la Reine Anne. Vous savez comment, après avoir été pendant bien des années perdu pour la bonne compagnie, Matthieu est rentré dans le droit chemin après la mort de son père. Il a vécu d’une manière rangée ; faisant partie de notre congrégation, et plus d’une fois a versé des larmes en entendant les discours de notre vénéré et inspiré fondateur. Vous comprendrez donc combien je souffre de la pensée que mes efforts pourront être impuissants sur cette âme que j’ai promis de ramener à votre bercail. Pas plus tard qu’hier, je me promenais avec lui lorsqu’il s’est arrêté tout à coup et s’est écrié de cette façon impétueuse qu’il a conservée :

« — Écoutez, Becky, voulez-vous voir la maison dans laquelle j’ai passé les plus agréables moments de ma vie ?

« Et comme je ne lui répondais pas, croyant à un simple caprice, il m’a montré une petite maison sale et noire avec les fenêtres en saillie et un haut pignon.

« — La voici, Becky ! s’est-il écrié. No 7, John Street. Clerkenwell. Une pauvre petite boîte qui n’a que les quatre murs ; un chenil en ruines avec un escalier où vous vous briseriez le cou si vous ne le connaissiez pas, et à une demi-journée de distance des beaux quartiers de la ville. Cette maison a été pour moi un paradis, et sa vue, bien qu’il y ait plus de dix-huit ans que je n’y aie mis les pieds, m’amène encore des larmes dans les yeux.

« Puis il se mit à marcher si vite, que je pouvais