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LES OISEAUX DE PROIE

Mme Sheldon lâcha ses brosses à cheveux et regarda la figure rougissante de sa fille : depuis quelque temps les rougeurs de Mlle Charlotte étaient chroniques.

« Mais vous n’y pensez pas, Charlotte, s’exclama-t-elle, irritée par le sentiment de son impuissance ; que dira M. Sheldon ?

— Il n’est pas nécessaire d’en parler à M. Sheldon d’ici à quelque temps, maman. C’est à vous que je dois soumission et obéissance… non à lui. Gardez-moi le secret, vous, la plus indulgente des mères et… et dites à Valentin qu’il vienne vous voir de temps en temps.

— Lui dire qu’il vienne me voir, Charlotte ! mais Vous savez très-bien que je n’invite jamais personne à dîner que sur le désir de M. Sheldon. Je tremble toutes les fois qu’il s’agit d’un dîner. C’est une si grande affaire d’organiser le service et il est si inquiétant de savoir si le dîner sera bon. Et si l’on s’avise de le commander au dehors, la cuisinière demande son congé le lendemain matin, ajouta mélancoliquement Georgy. Je me rappelle bien souvent, avec regret, le temps où j’étais à Barlingford, dans la laiterie, faisant pour nos parties de thé, des gâteaux de noce, dans le milieu desquels on cachait un anneau et une pièce de monnaie. Ces parties de thé étaient certainement beaucoup plus amusantes que les dîners de M. Sheldon, avec les solennels habitants de la Cité qui ne peuvent vivre sans soupe à la tortue.

— Ah ! mère chérie, nous étions bien plus heureuses dans ce temps-là. Comme je m’amusais dans ces thés, avec les gâteaux de noce, les bavardages, et les rires que faisaient éclater la pièce de monnaie et l’anneau. Je me rappelle que c’est moi qui ai eu la pièce de quatre sous à Newhall l’année dernière. Cela indique que l’on