Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
LES OISEAUX DE PROIE

quoi que puisse penser maman, elle sera dirigée par M. Sheldon, et sûrement il s’opposera à notre mariage. »

Notre mariage ! C’était une affaire arrangée alors, une chose qui devait se faire plus tôt ou plus tard, et il ne restait plus que la question de savoir quand et comment cela serait. Diana resta assise, immobile comme une statue, dévorant sa douleur, souffrant autant qu’ont souffert les martyrs chrétiens à l’agonie, comme souffre une femme lorsque la plus chère espérance de sa vie lui est arrachée et qu’elle n’ose pleurer tout haut.

« M. Sheldon sera le dernier homme du monde à permettre ce mariage, dit-elle.

— Peut-être, répliqua Charlotte ; mais je ne compte pas sacrifier Valentin au bon plaisir de M. Sheldon. M. Sheldon a tout pouvoir sur maman et sur sa fortune, mais il n’a en réalité aucune autorité sur moi. Je suis aussi libre que l’air, Diana, et je ne possède pas un sou au monde. N’est-ce pas délicieux ? »

La jeune fille fit cette question en toute sincérité en regardant son amie avec un air joyeux et charmant. Que d’ironie il y avait dans cette question pour Diana, dont l’existence entière avait été empoisonnée par la misère qui, aux yeux de Charlotte, semblait être une chose délicieuse.

« Que voulez-vous dire, Charlotte ?

— Je veux dire que, même ses plus grands ennemis, ne peuvent accuser Valentin d’agir par intérêt. Il ne demande pas à m’épouser par amour pour ma fortune.

— Connaît-il votre position réelle ?

— Complètement. Et maintenant, Diana, dites-moi que vous essaierez de l’aimer un peu pour l’amour de