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LES OISEAUX DE PROIE

— Non, Charlotte ; mais j’aurais cru que vous désiriez épouser un homme bon.

— Valentin est très-bon. Il n’y a qu’un homme bon qui ait pu être aussi heureux qu’il a paru l’être à la ferme. Cette vie simple de la campagne n’aurait pas pu rendre heureux un méchant homme.

— Et Valentin était-il réellement heureux à Newhall ?

— Réellement, réellement, réellement ! Ne cherchez pas à affaiblir ma foi en lui, Diana, Elle ne peut être affaiblie. Il m’a dit quelque chose du passé, bien que j’aie pu voir qu’il lui était très-pénible d’en parler. Il m’a dit combien il avait été dépourvu d’amis dans sa jeunesse, passée au milieu de gens sans principes, sans aveu, et quel être perdu et abandonné il était jusqu’à ce qu’il m’eût rencontrée. C’est moi qui dois être son étoile polaire, pour le conduire dans le droit chemin. Savez-vous, Diana, que je ne puis rien m’imaginer de plus doux que cela : être la bonne fée de l’homme que l’on aime. Valentin dit que tout en lui est changé depuis qu’il me connaît. Que suis-je donc pour que je puisse produire un tel changement sur mon bien-aimé ? C’est une folie, n’est-ce pas, Diana ?

— Oui, Charlotte, répliqua la voix de la raison par la voix de Mlle Paget, ce n’est que folie du commencement à la fin, et je ne puis prévoir que des tourments au bout de cette folie. Que dira votre maman d’un pareil engagement, ou qu’en dira M. Sheldon ?

— Oui, voilà la question, répliqua Charlotte très-sérieusement. Ma chère maman est la meilleure femme qu’il y ait au monde, et je suis sûre qu’elle consentirait à tout plutôt qu’à mon malheur. Et puis, vous savez, elle aime beaucoup Valentin, à cause des billets de spectacle qu’il lui donne et autres choses pareilles ; mais