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LES OISEAUX DE PROIE

Révérend ami et pasteur,

« Lundi dernier, nous sommes arrivés à Londres qui me paraît être une grande et puissante ville, mais sans plus de vertus, de piété que l’ancienne Babylone. Mon mari qui connaît cette ville beaucoup mieux que bien d’autres choses qu’il serait plus important pour lui de connaître, a trouvé bon de rire tout haut de la sainte répulsion que j’ai éprouvée à la vue de certains lieux. Nous avons été l’autre soir à un grand jardin, appelé par les uns Jardin du Printemps, et par d’autres Wauxhall, comme ayant été autrefois la résidence de cet ennemi de l’Arche Sainte et infâme papiste Waux ou Faux ; mais bien que je fusse reconnaissante à mon mari, de ce qu’il avait voulu me procurer une distraction agréable, je n’ai pu voir sans honte, des chrétiens se démener comme des enfants, au milieu des verres de couleur, et écouter avec ravissement une musique profane, alors que, avec beaucoup moins de dépense de temps et de santé, ils auraient pu se réunir pour se perfectionner les uns les autres.

« Mon obligeant Matthieu aurait voulu me conduire dans d’autres endroits du même genre, mais inspirée comme je l’espère et le crois par la direction de votre esprit, j’ai pris sur moi de lui dire combien ces sortes de plaisirs me paraissent vains et futiles. Il a discuté vivement en m’affirmant que le Roi et la Reine, qui sont l’un et l’autre des exemples éclatants de perfection et de sainteté, fréquentaient le Ranelagh et le Wauxhall. On les y voit très-souvent, m’a-t-il dit, à la franche satisfaction de leurs sujets.

« Sur quoi, je lui répondis que quelle que soit mon