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LES OISEAUX DE PROIE

d’autant plus d’attentions de la part de son neveu ; de plus je n’avais pas été fâché de veiller à ses arrangements testamentaires. Pour expliquer mon dévouement envers ma tante imaginaire, j’avais été obligé de la représenter comme ayant quelques petites choses, car le puissant esprit de mon Horatio se fût refusé à admettre l’idée qu’une vieille parente pût m’inspirer une affection désintéressée.

« Les yeux gris du capitaine clignaient terriblement pendant que je lui donnais cette explication de mon absence, aussi ai-je la douleur de douter qu’il ait accepté le second volume du roman de Dorking. Ah ! quelle vie nous menons sous les tentes d’Israël, nous autres gens sans ressources ! À travers quels tortueux chemins errent les tribus nomades qui reconnaissent pour mère Agar, l’abandonnée ! Que de mensonges, quels détours, quels subterfuges ! Paget et moi nous nous surveillons l’un l’autre comme deux habiles duellistes, avec le sourire stéréotypé sur nos lèvres et les yeux constamment en éveil. Qui peut dire si les armes de l’un ou de l’autre ne sont pas empoisonnées comme dans le fameux assaut présidé par Claudius, l’usurpateur du Danemark.

« La lettre de mon cher amour est pétrie de tendresse et d’affection. Elle revient à Londres ; et, bien qu’elle préfère le comté d’York à Bayswater, elle est bien aise d’y revenir à cause de moi… à cause de moi ! Elle quitte l’atmosphère pure de cette résidence rustique pour devenir le point central d’un réseau d’intrigues et je suis contraint de garder un secret auquel son sort est si intimement lié. Je l’aime plus sincèrement, plus purement que je ne me serais jamais cru capable d’aimer, et, néanmoins, je ne puis m’approcher d’elle que comme l’ins-