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LES OISEAUX DE PROIE

comme on en voit rarement et plus souvent en peinture qu’en chair et en os. Les jeunes gentilshommes du pays allaient à l’église exprès pour la voir, l’admirer, essayer de se faire remarquer, m’a dit ma mère. De plus, elle savait s’habiller avec un art extraordinaire. Elle avait hérité de quelques centaines de livres de ses père et mère, qui étaient des personnes très-rangées. La mère était la fille unique d’un homme qui faisait valoir environ un millier d’acres de terres à lui appartenant, et le père tenait un magasin de tapis, à Londres, dans Aldergate Street.

« Je reçus ces renseignements avec une respectueuse déférence et une apparence menteuse de surprise.

« M. Mercer fit une pause pour reprendre haleine ; après quoi, il continua de me conter l’histoire à sa façon, sans l’ombre d’une prétention.

« — Si bien, mon garçon, qu’avec ses ajustements et avec ses beaux yeux, Susan paraît avoir eu un peu trop bonne idée d’elle-même. M. Montagu Kingdon, frère cadet de lord Durnsville, se prit d’amour pour elle, et lui fit la cour, non pas tout à fait ouvertement, mais en ayant mis Mme Halliday, sa sœur, dans la confidence. Il lui parut tout naturel de penser qu’il avait l’intention de la prendre pour femme. M. Kingdon était de dix ans plus vieux que Susan ; il avait servi en Espagne, et ne s’y était pas trop bien conduit. Il faisait partie d’un régiment de cavalerie dans lequel on avait un goût excessif pour la boisson. Il y avait dépensé tout son argent, ce qui l’obligea à vendre sa commission à la fin de la guerre. Ces faits étaient alors assez peu connus dans le pays où M. Kingdon se donnait de l’importance comme frère de lord Durnsville. On savait seulement qu’il n’était pas riche, et que, par-dessus le marché, la terre de Durnsville était fortement hypothéquée.