Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LES OISEAUX DE PROIE

constance qui m’avait tout d’abord suggéré la pensée de son intervention dans l’affaire Goodge.

« Je passai toute ma soirée à lire les lettres de Mme Rebecca Haygarth. La pâleur de l’encre, la mauvaise écriture, les abréviations surannées, et l’orthographe plus que douteuse faisaient cette tâche laborieuse. Néanmoins, je persistai bravement dans mon travail et deux heures sonnaient à la vieille horloge de la Place du Marché au moment où je commençais à lire la dernière lettre. À mesure que j’avançais dans cette affaire, je sentais croître jour par jour l’intérêt que j’y prenais ; un intérêt sui generis en dehors de toute préoccupation personnelle ; je ne considérais même pas que par là, je gagnais presque honnêtement ma vie, car si, à l’occasion, je risquais un mensonge, je ne faisais pas pis qu’un secrétaire d’ambassade ou un avocat d’Old Bailey.

« Le plaisir que je prends aux progrès de mes recherches est un plaisir tout nouveau pour moi ; il est comme ce stimulant qui fait que le chasseur trouve si délicieux de franchir des fossés et des haies.

« J’aimerais certainement à gagner trois mille livres, mais ne dussé-je tirer aucun profit de mon travail, je sens qu’au point où j’en suis je continuerais quand même. J’ai besoin d’approfondir le mystère de cet enterrement nocturne à Dewsdale ; j’ai besoin de connaître l’histoire de cette Mary Haygarth qui repose sous le grand if à Spotswold, et dont la mort est regrettée par une personne qui n’espère pas de consolation.

« Est-ce le lieu commun d’un veuf et ce pleureur inconnu s’est-il ensuite consolé avec une autre femme ? Qui sait ? comme disent les Italiens. Parviendrai-je jamais à pénétrer ce mystère du passé ? Ma tâche me semble presque aussi impossible que si George m’eût