Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
LES OISEAUX DE PROIE

pose dans le cimetière de Barngrave, près de la sœur de Tom, qui aurait pu devenir un beau jeune homme et s’asseoir à la place où vous êtes assis en ce moment, monsieur ; me regardant avec des yeux aussi vifs que les vôtres peut-être, si la volonté de Dieu n’en eût ordonné autrement. Vous voyez que nous avons tous nos chagrins ; voilà le mien. Sans Dorothée, la vie après cela n’aurait pas été d’un grand prix pour moi ; mais ma Dorothée vaut à elle seule tout ce que l’on peut désirer.

« Le fermier regardait tendrement sa seconde femme en disant ces mots. Celle-ci y répondait par un sourire exquis. Je m’imagine que, dans ces calmes solitudes, la modestie et le sourire se maintiennent plus longtemps chez les femmes que dans le tumulte et le bruit d’une grande ville.

« Voyant que mon hôte paraissait disposé à s’appesantir sur le passé, je me hasardai à tenter un effort indirect pour obtenir quelque explication au sujet de cette inscription sur la Bible qui avait excité ma curiosité.

« — Mlle Susan Meynell est morte sans s’être mariée, je crois ? dis-je. Je vois son décès mentionné ici ; mais elle est désignée par son nom de baptême seulement.

« — Ah ! très-probablement, répondit M. Mercer, avec un air d’indifférence qui me parut affecté. Oui, la tante Susan de ma pauvre Molly est morte fille.

« — Et à Londres ? J’avais entendu dire qu’elle était morte dans le comté d’York.

« Je m’aperçus que j’embarrassais le pauvre Joé, et je sentis qu’un chasseur à la poursuite d’un héritier légal est exposé à se rendre quelquefois très-gênant.

« — Susan Meynell est morte à Londres… ; oui, la pauvre fille est morte à Londres, répliqua gravement