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LES OISEAUX DE PROIE

comme s’ils se fussent écriés en eux-mêmes : « Voilà donc un spécimen des créatures qu’on appelle un couple d’amoureux ! »

« Nous rencontrâmes l’oncle Joé dans le cours de notre vagabonde promenade et nous rentrâmes avec lui à temps pour satisfaire à la vulgaire superstition du dîner, que nous aurions fort bien pu oublier si nous étions restés en tête-à-tête. Après dîner, l’oncle Joé partit pour aller donner à ses porcs ses soins quotidiens, pendant que la tante Dorothée se laissait aller au sommeil dans un large fauteuil, auprès du feu, après avoir, en manière d’apologie, fait observer qu’elle était fatiguée, ayant beaucoup travaillé le matin dans sa buanderie.

« La tante Dorothée étant bientôt après partie pour le royaume éthéré des songes, Charlotte et moi nous restâmes abandonnés à nos propres réflexions.

« Il y avait sur une table, dans un coin, un jeu de tric-trac ; pour me distraire, je proposai à ma chérie de lui donner une leçon de ce jeu. Elle y consentit et nous nous mîmes sérieusement à l’œuvre : Mlle Halliday attentive ; moi, sérieux comme un maître d’école en chaire.

« Malheureusement pour les progrès de mon élève, le jeu de tric-trac se trouva moins intéressant que notre conversation, si bien qu’après une courte tentative, d’un côté pour apprendre et de l’autre pour enseigner, nous fermâmes le jeu et nous nous mîmes à bavarder : d’abord du passé, puis de l’avenir, de cet heureux avenir que nous devions partager ensemble.

« Je n’ai nul besoin de transcrire ici cette conversation. N’est-elle pas écrite dans mon cœur ? L’avenir me semblait si beau et si exempt de nuages hier matin, pendant que, assis l’un près de l’autre, nous en cau-