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LES OISEAUX DE PROIE

« Mais il faut, malgré tout, que les trois mille livres de Sheldon soient à moi avant que je puisse offrir le plus humble abri à ma douce amie ! Ce serait, certes, pour moi une bénédiction de parcourir le monde pieds nus avec Charlotte à mon côté ; mais un voyage pieds nus ne s’offre guère à la femme que l’on aime. Donc, mon garçon, il faut se remettre en route. En avant ! Encore un jour dans cette délicieuse ferme, et puis plus de retard. En avant ! en avant ! oui, en avant ! et au grand galop, encore ! Je ne m’arrêterai que lorsque j’aurai découvert la ligne matrimoniale de Charlotte Meynell, arrière-petite-fille de Matthieu Haygarth, et, si elle existait encore, héritière de droit des cent mille livres qui vont en ce moment être broyées par les voraces mâchoires de la Couronne. Un jour encore, un jour de délicieux repos dans ce pays des rêves, et puis en route… jusqu’à ce que j’aie réussi. C’est dit, morbleu ! c’est dit ! En avant !

« La pluie fouette les étroits carreaux de ma fenêtre pendant que j’écris. La journée a été désespérément pluvieuse. Je suis resté dans ma petite chambre, occupé à écrire Ce qui précède. Le vent et la pluie n’auraient certainement pas eu la puissance de m’éloigner de ma chérie ; mais, eût-il fait le plus beau soleil, que je n’aurais pu convenablement me présenter trois après-midi de suite à la ferme. Demain l’annonce de mon départ sera une excuse valable pour faire une nouvelle visite chez mes aimables oncle et tante : ce sera ma visite d’adieu. Aurais-je manqué à Charlotte cet après-midi ?… Sera-t-elle fâchée quand elle apprendra mon départ ?… Nous rencontrerons-nous encore sous d’aussi heureux auspices ?… Retrouverai-je jamais des amis aussi bons, aussi hospitaliers que ceux que je vais laisser ?…