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LES OISEAUX DE PROIE

vaient qu’il a si peu de temps que je vous connais !

« — Vingt fois plus de temps que Juliette n’avait connu Roméo, lorsqu’ils vinrent dans la cellule du moine pour se marier, lui répliquai-je.

« — Oui, mais ce n’est qu’une comédie, reprit Charlotte, et il fallait bien hâter le dénouement ; à la pension, nous étions toutes d’avis que Juliette était une jeune personne bien hardie.

« — Tous les poètes admettent l’amour à première vue et je gagerais que l’oncle Joé a été amoureux fou de la tante Dorothée après avoir dansé deux ou trois fois avec elle, dis-je à mon tour.

« Puis la conversation a pris un autre tour plus sérieux. J’appris à la chère enfant que j’espérais avoir prochainement un petit revenu fixe et commencer une vraie carrière. Je lui dis à quel point elle m’avait inspiré le goût du travail et combien j’étais rassuré sur l’avenir.

« Je lui rappelai que Sheldon n’avait aucun droit sur elle et que le testament de son père l’ayant laissée entièrement sous la tutelle de sa mère, elle n’avait à consulter que celle-ci.

« — Je crois que ma pauvre maman me laisserait épouser un balayeur des rues, si je la priais bien, dit Charlotte ; mais vous savez fort bien que les Volontés de maman cela veut dire les volontés de M. Sheldon ; elle ne pense exactement que ce qu’il lui dit de penser, et s’il est fortement opposé à notre mariage…

« — Comme j’en suis certain…, dis-je en l’interrompant.

« — Il agira sur maman à sa façon, jusqu’à ce qu’il l’ait convaincue…, ce qui ne sera pas long.

« — Mais l’autorité de votre maman elle-même ne du-