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LES OISEAUX DE PROIE

j’étais de quitter immédiatement Huxter’s Cross pour m’en aller dans un pays inconnu, à la recherche des archives des Meynell. Comment aurais-je pu prendre sur moi de lui dire que je devais la quitter et comment, hélas ! pourrais-je me résoudre à le faire ?

« Indifférent que j’étais devenu à tout ce qui n’était pas mon amour, je résolus de me donner hardiment un congé, en dépit de Sheldon et de ses intérêts.

« — Suis-je donc esclave, me demandai-je à moi-même, au point d’être obligé de courir ici et là, à la volonté d’un autre, moyennant vingt shillings par semaine ? Allons donc !

« Remarquez en passant que le montant de la rémunération fait seule la différence en pareil cas. Il est piteux pour un clerc d’avocat de suer sang et eau pour gagner ses gages de chaque semaine ; il est tout à fait digne à un ministre d’État d’obéir à l’appel de son souverain et de courir le monde, l’ancien et le nouveau, sur un signe de celui-ci.

« J’écrivis donc à mon Sheldon. Je lui dis que j’avais rencontré des amis et que j’avais l’intention de m’accorder un petit congé. Il me restait encore une partie des trente livres que j’avais empruntées, et je me croyais millionnaire.

« Trois mille livres à cinq pour cent font cent cinquante livres par an. Je me disais qu’avec ce revenu et ce que je pourrais gagner, Charlotte et moi serions à l’abri des orages de la vie. Ah ! quel bonheur j’éprouverais à travailler pour elle ! Je ne suis certainement pas trop vieux pour commencer une vie nouvelle : pas trop vieux pour le barreau, pas trop vieux pour le journalisme, pas trop vieux pour devenir un homme honorable.