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LES OISEAUX DE PROIE

« Il doit certainement y avoir une providence pour les amants imprudents.

« La soirée de novembre était humide et froide à l’heure où nous rentrions : cette tristesse de l’atmosphère m’était pénible ; elle était tellement en contradiction avec l’ardeur croissante de mon cœur ! Je serrai plus près de ma poitrine la petite main de ma chérie, et n’eus pas plus conscience à ce moment de l’existence d’aucun obstacle à notre bonheur futur que du terrain sur lequel je marchais ; il me semblait que j’avais des ailes.

« Nous trouvâmes nos chaises qui nous attendaient à la table à thé de la tante Dorothée ; et je jouis de ce délicieux banquet, dans des dispositions d’esprit qui s’élevèrent pour moi à la hauteur d’un repas olympien.

« Après le thé, nous fîmes une partie de whist. Je suis obligé d’avouer que ma chère déesse jouait affreusement mal ; elle dédaignait constamment de répondre aux invites de son partenaire et mettait sur les cartes de l’adversaire ses plus petits atouts, économie mal entendue qui est toujours une cause de perdition.

« Je restai jusqu’à dix heures, sans m’inquiéter du pays inconnu que j’avais à traverser pour retourner à La Pie ; après quoi je me mis en route à la faible clarté des étoiles, seul et à pied, bien que mon aimable hôte m’eût offert de me prêter un dog-cart. Les bonnes gens de ce pays se prêtent l’un à l’autre un dog-cart aussi volontiers que les gens de Londres s’offrent un parapluie. Je revins seul, et cette longue promenade solitaire fut pour moi une chose charmante.

« La vue des étoiles qui brillaient au-dessus de ma tête me remit en mémoire cette vieille chanson :