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LES OISEAUX DE PROIE

« Je crains d’avoir été assez présomptueux pour m’imaginer que j’étais aimé, ce jour où nous nous sommes séparés dans les jardins de Kensington. Un regard, une inflexion de voix, qui ne sauraient se définir, m’avaient rempli d’un espoir soudain et si magnifique, qu’il ne m’avait pas paru pouvoir se réaliser.

« — Elle est coquette, m’étais-je dit à moi-même ; la coquetterie est une des grâces que la nature a dévolues à ces séduisantes créatures. Ce petit coup-d’œil involontaire qui a si violemment agité mon faible cœur lui est sans doute familier.

« C’est là ce que je m’étais mille fois répété depuis que ma Charlotte et moi étions séparés ; mais quelle vivante chose que l’espérance ! Le sens commun a beau se battre les flancs, il ne saurait en calmer l’invincible essor ! Elle était demeurée intacte en mon cœur, en dépit de toutes mes réflexions philosophiques, et elle s’épanouissait, à la seule vue de Charlotte ! Elle m’aimait ! elle était heureuse de me voir ! C’est ce que me disait sa figure radieuse, et pouvais-je faire moins que de croire à un aussi doux aveu ! Dans les premiers moments nous pûmes à peine parler ; mais après quelques secondes, la conversation commença tant bien que mal.

« Elle me dit sa surprise lorsqu’elle m’avait aperçu. J’osais à peine avouer qu’une affaire m’avait amené à Huxter’s Cross, de sorte que je fus obligé de faire un mensonge stupide à ma bien-aimée, en lui déclarant que j’étais venu prendre dans les montagnes quelques jours de congé.

« — Et comment se fait-il que vous ayez choisi Huxter’s Cross ? me demanda-t-elle naïvement.

« Je lui répondis que j’avais entendu parler de ce lieu