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LES OISEAUX DE PROIE

tron et ami pouvait fort bien être venu y boire son grog, lire les journaux, et s’être informé de mes mouvements sans être remarqué.

« Comme disait l’immortel locataire du Théâtre du Globe : Je ne sais pourquoi j’aurais des craintes… et pourtant je sens que j’en ai.

« Je trouvai une lettre chargée de George contenant vingt livres en billets de banque, et, la prenant avec moi, je m’en allai tout droit chez mon ami Jonas. Je le trouvai en train de prendre son thé. Je lui montrai l’argent ; mais mon estime pour la probité du révérend gentleman n’étant pas illimitée, j’eus soin de ne pas le lui donner avant qu’il m’eût montré les lettres. Voyant que j’étais réellement en mesure de lui payer le prix convenu, il alla vers un bureau de forme ancienne, dont il ouvrit un des tiroirs, un de ces tiroirs secrets qui n’échapperaient pas trois minutes à l’expert le moins habile. De cette cachette, qu’il considérait certainement comme le chef-d’œuvre de l’art mécanique, il retira un paquet de lettres jaunes et fanées ; il s’en exhala une odeur de feuilles de roses desséchées et de lavande, qui semblait comme un parfum du passé.

« Lorsque mon révérend ami eut déposé le paquet sur la table, à la portée de ma main, je lui présentai les billets de banque. Ses vieux doigts gras s’en saisirent avidement et ses yeux brillèrent un moment d’un éclat extraordinaire.

« Après s’être assuré que c’était bien des engagements de la vieille douairière de Threadleneedle Street, alias la Banque d’Angleterre, Goodge consentit obligeamment à-signer une espèce de reçu que j’avais préparé pour la satisfaction de mon patron.

« — Je crois que vous avez dit qu’il y avait quarante