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LES OISEAUX DE PROIE

qu’il a autrefois spéculé sur des chances qui ne promettaient pas autant de profit.

« — Trois mille livres ! me dit-il, pendant qu’il me tendait la pauvre petite banknote ; songez quelle belle prime cela est et travaillez pour l’obtenir le mieux que vous pourrez. Plus nous approchons du but et plus nos progrès me paraissent lents ; cependant, tout compte fait, ils ont été très-rapides.

« Il faut que je sois devenu bien sentimental, car l’impossibilité de réaliser ces trois mille livres occupait moins ma pensée que la perspective d’avoir à me rendre dans le comté d’York, ce comté où Charlotte est née, ce comté où elle se trouvait en ce moment même. Je me rappelais néanmoins que c’est le plus vaste comté de l’Angleterre et que de toutes les coïncidences de temps et de lieu il n’y en avait pas de moins probable que celle qui pourrait amener une rencontre entre Charlotte et moi.

« — Je sais qu’en fait je ne serai pas moins séparé d’elle dans le comté d’York qu’à Londres, me dis-je à moi-même ; mais j’aurai le plaisir de m’imaginer que je m’en trouve plus près.

« Avant de quitter George je lui fis part du lambeau de conversation entre Paget et Philippe que j’avais surpris à La Pelouse, mais il repoussa mes soupçons avec dédain.

« — Je vais vous dire ce que je pense, Haukehurst, me dit-il en fixant sur moi ses yeux noirs perçants. Le capitaine, non plus que mon frère, ne peuvent avoir aucune connaissance de notre affaire, à moins que vous ne soyez un traître et leur ayez vendu nos secrets. Mais, écoutez bien, si vous avez fait cela, vous vous êtes trompé vous-même et eux en même temps. J’ai