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LES OISEAUX DE PROIE

la jeune femme à laquelle il faisait la cour, Mlle Doberly, lui a manqué de parole, en se mariant avec un boucher en gros, lequel était assez vieux pour être son père, Samuel s’est adonné tout à fait à la boisson ; il a négligé ses affaires. Un jour il vint à moi et me dit : « Tony, j’ai vendu ma maison de commerce, » entre nous, nous nous disions Tony et Samuel, voyez-vous, monsieur, « et je vais partir pour la France ! » C’était peu de temps après la bataille de Waterloo ; beaucoup de gens avaient la fantaisie d’aller en France à cette époque. On n’appelait plus alors l’Empereur Napoléon que l’Ogre de Corse et le Tigre, comme depuis on a appelé l’Empereur Napoléon III Badinguet et le reste ; les Français ne sont jamais idiots à moitié ! On disait aussi que les Français ne mangeaient que des grenouilles. Enfin, monsieur, nous fûmes tous très-surpris d’apprendre que Samuel s’en allait à l’étranger, mais comme il avait toujours été très-extravagant, on ne vit là qu’une nouvelle folie de sa part, et nous avons été moins surpris en apprenant une ou deux années après qu’il s’était enivré à en mourir avec du brandy à bon marché, ce qu’ils appellent eau-de-vie, les pauvres ignorants, à Calais.

« — Il est mort à Calais ?

« — Oui, répliqua le bonhomme. J’ai oublié qui nous en a apporté la nouvelle, mais je me souviens parfaitement du fait. Le pauvre Samuel est mort et a été enterré là.

« — Vous êtes sûr qu’il a été enterré à Calais ?

« — Oui, aussi certain qu’il soit possible de l’être. Les voyages, à cette époque, n’étaient pas chose facile ; on ne trouvait à l’étranger que des diligences, qui, d’après ce que j’ai entendu dire, étaient le véhicule le plus lent