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LES OISEAUX DE PROIE

vous pourriez demander au ciel de vous envoyer une autre garde-malade semblable, en admettant qu’il soit possible de la trouver. »

Après cet exorde, le rude et brave médecin s’éloigna, laissant Horatio seul avec la femme qui lui avait sauvé la vie.

Ce n’était que la fille de sa logeuse. Elle n’était pas riche, cette logeuse, et n’avait point spéculé sur les extravagances des riches célibataires. C’était une honnête veuve qui vivait dans une petite rue d’un quartier éloigné et qui louait un petit salon maigrement meublé et une chambre à coucher plus maigrement meublée encore, à tout gentilhomme que des revers de fortune pouvaient conduire dans ce quartier désert. Le capitaine Paget était tombé bien bas dans la vie lorsqu’il avait pris possession de ce misérable réduit et s’était reposé dans les nippes de la veuve.

Il devait y avoir, dans la vie d’un tel homme, un lugubre et vide intervalle qui séparait le jour où il avait dépensé ses derniers sous de l’heure à laquelle il commença délibérément à peser sur la bourse des autres. Ce fut pendant cet intervalle désespéré que Paget était venu s’établir chez la veuve. Mais bien qu’il demeurât dans ces parages éloignés de la Cité, il ne pouvait supporter l’existence de l’autre côté de l’eau. Il sortait de sa demeure chaque jour, pour gagner les brillants quartiers, resplendissant de linge blanc et de gants frais, avec un paletot irréprochable et des bottes vernies.

La garde-robe a son soleil de l’Inde, et l’éclat d’un habit fait par un grand tailleur peut se comparer à l’éclat du soleil des tropiques : il est glorieux jusqu’à la fin et tombe en un instant. La garde-robe du capitaine était à cette époque à son soleil de l’Inde, et lorsqu’il