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LES OISEAUX DE PROIE

Sa tournée du matin faite, il ne rentra pas comme de coutume chez lui. Il s’arrêta au coin des rues voisines et fit le tour du square ; il semblait très-préoccupé. Une fois même il prit le chemin de la maison de Sheldon, puis revint sur ses pas, et se décida enfin à rentrer chez lui. Il se mit à table pour dîner. Il était évidemment inquiet ; il répondait à peine aux questions de sa jeune femme. C’était un homme dans une position assez précaire. Il avait employé toute sa petite fortune à l’achat d’une clientèle qui n’avait presque rien produit, et il luttait comme il pouvait contre les difficultés de la vie.

« Vous avez quelque chose dans l’esprit qui vous inquiète, Harry ? lui dit sa femme avant la fin du repas.

— Oui, ma chère, répondit-il, j’ai un cas très-embarrassant et j’en suis fort tourmenté. »

Sa femme se retira discrètement après dîner. Le jeune médecin resté seul se mit à arpenter sa chambre de long en large ; il paraissait très-agité. Au bout d’une heure il prit subitement son chapeau et sortit.

« Je veux avoir une consultation, je la veux à tout prix, quoi qu’il en puisse résulter, se disait-il à lui-même pendant qu’il s’avançait rapidement dans la direction de la maison de Sheldon. Il est possible que les choses soient ce qu’elles doivent être… Je n’ai aucune raison de croire qu’il ait des motifs particuliers… mais je veux avoir une consultation… oui, je le veux… et je l’aurai. »

Il regarda la maison de son malade au moment où il entrait dans la rue. Toutes les persiennes étaient fermées. Il frissonna, puis il se remit un peu, se disant que le soleil donnant en plein sur ce côté de la rue, il était possible que la fermeture des persiennes n’eût pas d’autre cause. Un jeune garçon endormi, à l’air stupide, lui