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LES OISEAUX DE PROIE

Il avait hérité d’un petit domaine acquis par le travail et l’économie de son père. Sa vie avait toujours été des plus simples, il réalisait le type du fermier et rien de plus. Pour lui une exposition de bestiaux ou une foire aux chevaux étaient les joies suprêmes de l’existence. La ferme où il était né, et où il avait été élevé, était située à environ six milles de Barlingford ; ce qui fait que les meilleurs souvenirs de son enfance et de son adolescence étaient dans cette petite ville et surtout sur la place de son marché. Lui et les deux Sheldon avaient été camarades d’école et ils étaient restés bons amis ; ils s’amusaient ensemble comme on peut s’amuser à Barlingford ; ils faisaient la cour aux mêmes beautés provinciales dans les thés cérémonieux, en hiver, et pendant l’été, organisaient des pique-niques entre hommes, pique-niques dans lesquels plus on mangeait, plus on buvait, plus l’on était heureux. Halliday avait toujours respecté George et Philippe, se sentant moins fort, plus humble qu’eux ; ce qui ne l’empêchait pas de sentir la supériorité factice que lui donnait sa richesse sur ses amis. Il n’eût pas échangé les champs fertiles de Hiley pour la science et l’esprit des deux frères. Il était déjà propriétaire de sa maison bien meublée et de sa ferme fort bien garnie, lorsque lui et Philippe devinrent amoureux de Georgina Cradock, la plus jeune fille d’un avoué de Barlingford, voisin du père des deux Sheldon. Philippe et la jeune fille tout enfants avaient joué ensemble dans les grands jardins murés qui se trouvaient derrière les deux maisons et une intimité toute fraternelle les avait longtemps unis ; mais, lorsque plus tard ils se rencontraient en soirée, M. Cradock commença à surveiller les libertés de leur jeune affection. Georgina n’avait point de dot, et le digne avoué, son père, pensait qu’on trouvait le