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LES OISEAUX DE PROIE

reau ; il était encore très-pensif et un peu inquiet.

« Que m’importe, après tout, ce qu’ils font et où ils vont ? se demanda-t-il à lui-même impatienté de sa propre faiblesse. Qu’est-ce que cela me fait qu’ils soient amis ou ennemis, ils ne peuvent me faire aucun mal. »

Il se trouva qu’à l’époque du départ de Valentin, les orages de la Bourse s’apaisèrent. Le calmé était descendu sur l’Océan commercial. Ce n’était plus qu’un grand lac tranquille. Tous les efforts des joueurs à la hausse eussent été impuissants pour relever les cours languissants des valeurs. De même pour les joueurs à la baisse. De telle sorte que les uns et les autres, se trouvaient en présence du plus triste des marchés. Philippe partageait l’abattement général, sa figure était sombre, il avait perdu une de ses forces : sa crânerie commerciale. Les envieux et les jaloux le regardaient furtivement, se demandant si Sheldon n’avait pas été atteint par les désastres de cette époque néfaste. Ce n’était pourtant pas ces choses qui pesaient sur l’esprit de Sheldon. L’agent de change éprouvait des inquiétudes et des doutes d’un ordre particulier qui n’avaient aucun rapport avec le cours des valeurs.

Le lendemain du jour où Valentin était parti pour Ullerton, Sheldon l’aîné se présenta au bureau de son frère. Il donnait de temps en temps, à George, de petites affaires, tout en persistant à lui refuser de l’argent, et cela lui permettait d’exercer sur lui une surveillance attentive. Ce matin-là, entrant chez son frère sans se faire annoncer, Philippe le trouva en train d’examiner une pièce d’aspect formidable. C’était une grande feuille de papier à dessin couverte d’un enchevêtrement de