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LES OISEAUX DE PROIE

perpétuelle source d’observations, de profits ; mais Valentin n’avait rien de pareil dans sa personne. Aussi la situation que Sheldon avait trouvée pour lui était-elle beaucoup plus incertaine et beaucoup moins productive que celle d’Horatio. Néanmoins, Valentin savait s’en contenter. Il partageait le logis du capitaine, bien qu’ils ne prissent pas leurs dîners ensemble et qu’il ne courût pas avec lui dans le brougham. Il avait le gîte, la nourriture assurés, et cela étant le plus haut degré de prospérité qu’il eût jamais connu, il ne se plaignait pas. De plus, pour la première fois de sa vie, il savait ce que c’est que le bonheur. Une joie plus pure, plus vive que celles qu’il avait éprouvées jusque-là, le rendait parfaitement indifférent à un dîner bon ou mauvais, aux charmes d’une voiture, aux promenades dans la boue. Il ne songeait pas à l’avenir, il oubliait le passé, s’abandonnant de cœur et d’âme aux délices de l’heure présente.

Sheldon ne pouvait rencontrer un instrument à la fois plus docile et moins exigeant. Valentin était toujours prêt à tout faire pour le beau-père de Charlotte, depuis que ses relations avec ce gentleman lui avaient permis de passer près d’elle une si grande partie de sa vie.

Mais, malgré cette disposition supérieure de son esprit, Haukehurst n’était pas moins soumis aux mêmes lois que tous les autres hommes. Il avait besoin d’argent : ses habits étaient usés et il lui en fallait d’autres pour se présenter devant la femme qu’il aimait. Il avait eu, en plusieurs occasions, le privilège d’accompagner au théâtre Mme Sheldon et les deux jeunes filles ; ce privilège lui avait coûté quelques shillings. Il avait besoin d’argent pour acheter de la musique nouvelle, ce qui lui