Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
LES OISEAUX DE PROIE

se rappelait leur séparation par cette froide matinée dans la gare de Spa. Il l’avait laissée partir pour la grande et terrible bataille de la vie sans montrer plus d’émotion que s’il l’eût mise en wagon pour un voyage d’agrément. Une année s’était écoulée et elle le retrouvait avec son même air d’indifférence, et il bavardait à côté d’elle de mille niaiseries avec une autre femme ! La pauvre Diana ne revenait pas de cela.

Pendant que Valentin causait avec la belle-fille de Sheldon, le capitaine faisait de son mieux pour être agréable à ce gentleman lui-même. Lord Lytton a dit quelque part : « Il y a quelque chose de singulier, en quelque sorte de mesmérique, dans les rapports entre deux natures mauvaises. Mettez ensemble deux hommes honnêtes, et il y a dix à parier contre un qu’ils ne se reconnaîtront pas comme honnêtes gens ; des différences de tempérament, de manières, même d’opinions politiques, les empêcheront de s’apprécier réciproquement. Mais réunissez deux coquins, et vous les verrez s’entendre immédiatement par esprit de sympathie. » Que nos deux hommes fussent ceci ou cela, ils ne tardèrent pas à être à leur aise l’un et l’autre. Les combinaisons financières de Sheldon étaient parfois très-compliquées et, pour les réaliser, il avait besoin d’aides habiles et souples. Paget était tout à fait l’homme qu’il fallait pour faire réussir les spéculations telles que Sheldon les comprenait. Sheldon était constamment en quête de quelque chose ou de quelqu’un qui pût servir ses intérêts pour le présent et l’avenir. Il comprit très-vite que le père de Mlle Paget était un individu avec lequel une invitation à dîner ne serait pas perdue.

« Venez manger une côtelette avec nous demain, à