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LES OISEAUX DE PROIE

pendant que Nancy restait près de la table avec son plateau chargé entre les mains. Son maître ne lui dit rien pendant quelques minutes, puis se retourna à moitié, se regardant vaguement dans la glace pendant qu’il parlait.

« Vous vous rappelez Mme Halliday ? lui dit-il.

— Certainement, monsieur. C’était autrefois Mlle Georgina Cradock, Mlle Georgy, comme on l’appelait… vos premiers amours… Je n’ai jamais compris comment elle a pu se décider à épouser ce gros lourdaud de Halliday… à moins qu’elle ne fût éprise de ses grands yeux ronds et de ses favoris rouges.

— C’est son père et sa mère qui se sont épris de sa ferme, de ses récoltes, et de ses bestiaux, Nancy, répondit Sheldon en continuant à s’observer dans la glace. Georgy y a été pour peu de chose. C’est une de ces femmes qui laissent aux autres le soin de penser pour, elles. Tom est néanmoins un excellent garçon, et Georgy a eu de la chance de rencontrer un pareil mari. Si je lui ai quelque peu fait la cour autrefois, il y avait longtemps que cela était fini lorsqu’elle a épousé Tom. Cela n’a jamais été qu’une amourette et j’en ai eu dans mon temps avec bien d’autres filles de Barlingford. Vous le savez bien, Nancy. »

Sheldon était rarement aussi communicatif avec sa femme de ménage ; la bonne femme, satisfaite de la rare condescendance de son maître, eut un gros rire qu’elle accompagna d’un signe de tête.

« Je suis allé jusqu’à Hiley, pendant que j’étais à la maison, » continua Sheldon.

Sheldon disait encore la maison en parlant de Barlingford, bien qu’il eût rompu presque tous les liens qui l’y rattachaient.