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LES OISEAUX DE PROIE

lentin avait tracé avec son canif ses initiales en un fantastique monogramme, surmonté d’une tête de mort et entouré d’un serpent. Elle pensait très-souvent à son ex-compagnon, en dépit de ses petites élèves ; lorsqu’elle était près de lui, il avait toujours été pour elle une énigme ; maintenant qu’elle en était bien loin, il lui paraissait encore plus impénétrable. Était-il complètement méprisable, ou y avait-il dans sa nature quelque chose de bon qui compensât ses vices ? Il avait fait de son mieux pour la soustraire à la honte et au malheur, et c’était là, certainement, une bonne action ; mais n’était-il pas possible qu’il l’eût fait uniquement pour se débarrasser de sa présence comme d’un obstacle et d’un ennui ? Elle se souvenait alors avec amertume de son compagnon de misère ; puis, avec quelle sécheresse il l’avait mise dehors, avec quelle cruauté il l’avait abandonnée à elle-même en lui disant de chercher comme elle pourrait un abri en ce monde impitoyable !

« Que serais-je devenue si Priscilla avait refusé de me recevoir chez elle ? se disait-elle à elle-même. Je ne pense pas que M. Haukehurst y ait jamais songé et se le soit jamais demandé. »

Diana avait reçu plusieurs lettres de Valentin depuis sa fuite dans la petite ville d’eaux de Belgique. Dans la première, il lui disait que son père avait pris son parti de cette affaire et était en meilleure situation qu’avant l’éclat de l’Hôtel d’Orange ! Cette lettre était datée de Paris, mais elle ne donnait aucune explication sur l’état présent ou les plans futurs des deux hommes. Une autre lettre, datée de la même ville, mais avec une adresse différente, lui parvint six mois plus tard, puis ensuite une autre. C’était une chose si extraordinaire pour le capitaine d’habiter pendant douze mois la même ville,