sur ses genoux comme un homme. C’était pourtant un homme presque impénétrable, et l’abîme qui s’ouvrait entre Nancy et la pensée de cet homme déconcertait la pauvre femme. Ce soir-là, elle l’examinait plus attentivement qu’à l’ordinaire, si c’est possible, car il y avait dans sa physionomie un changement qu’elle cherchait vainement à s’expliquer.
Sheldon leva brusquement la tête et vit le regard qui le fixait. Cela l’impatienta, sans doute, car il dit nerveusement :
« Qu’est-ce que vous regardez, Nancy ? »
Ce n’était pas la première fois qu’il avait surpris cette curiosité de sa servante et en avait été importuné ; mais Nancy, en femme du Nord qu’elle était, ne se laissait pas décontenancer, et avait toujours sur les lèvres une réponse plausible : elle démontrait à son maître que sa curiosité n’était que l’effet de l’intérêt qu’elle lui portait.
« Je pensais justement, monsieur, dit-elle sans baisser ses petits yeux gris, à ce que vous avez dit que vous n’y seriez pour personne, excepté pour George. Dites-moi, monsieur, que faudrait-il faire si un client nous arrivait ? Il n’y a rien comme ces méchants vents de mars pour faire pousser les maux de dents. Dites donc, monsieur, un client en voiture ?…
— Les vents de mars pas plus que les pluies d’avril ne m’amèneront probablement de clients ni à pied, ni en voiture, vous devez bien le savoir, Nancy. S’il en venait un, faites-le entrer et donnez-lui à lire le Times de la semaine dernière pendant que je ferai la toilette de mes instruments… voilà ! maintenant, allez… non… attendez, j’ai quelques nouvelles à vous donner. »
Il se leva et se tint le dos tourné au feu, fixant le tapis