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LES OISEAUX DE PROIE

dans certaine charge d’agent de change et que cette association lui avait coûté quelques milliers de livres de l’argent de Tom ; elle avait eu connaissance de quelques arrangements préliminaires ayant pour objet d’assurer l’admission de son mari comme membre d’une mystérieuse association, et que l’argent de Tom Halliday avait été la semence qui avait produit la récolte ; mais, pour elle, tout se résumait en un seul mot : son mari avait réussi.

Il est peut-être plus facile de réussir à la Bourse que d’amener un nombre donné de personnes à venir dans une rue écartée se faire arracher des dents par un inconnu. Qui sait si l’agent de change n’est pas, à l’instar du poète, un être doué et inspiré par la nature, un produit d’instincts spontanés qui se développent d’eux-mêmes, sans le secours de l’éducation. Il est certain que les divines effluves émanant du dieu Plutus semblaient être descendues sur Sheldon, car il était entré à la Bourse comme un étranger naïf, et il s’y était fait sa place parmi les hommes dont la vie entière s’était écoulée dans les comptoirs de la Cité et de ses environs.

Mme Sheldon se contentait de comprendre en gros les succès de Sheldon ; elle n’avait jamais cherché à en avoir une notion plus approfondie. Elle ne s’en préoccupait pas davantage, quoique sa fille approchât de l’âge où elle ne tarderait pas à avoir besoin d’une dot sur la fortune de sa mère. Le pauvre Tom avait pleine confiance dans la femme qu’il aimait. Il n’avait fait son testament que par mesure de précaution, à une époque où il croyait avoir devant lui cinquante ans de force et de vie, il s’était peu préoccupé d’éventualités lointaines et n’avait nullement prévu la probabilité d’un second mariage pour Georgy et d’un beau-père pour son enfant.