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DE LADY AUDLEY

Il était impossible de lire sur la figure attentive du docteur Mosgrave une conclusion quelconque. Il se leva quand Robert eut fini, et regarda de nouveau sa montre.

« Je n’ai plus que vingt minutes à vous accorder, dit-il. Je vais voir la dame, si vous voulez. Vous dites que sa mère est morte dans une maison de fous ?

— Oui. Voulez-vous que lady Audley soit seule ?

— Oui, seule, s’il vous plaît. »

Robert sonna la femme de chambre de milady, et le médecin fut conduit par l’élégante soubrette à travers l’antichambre octogone vers le joli boudoir avec lequel elle communiquait.

Dix minutes après il revint dans la bibliothèque où l’attendait Robert.

« J’ai causé avec cette dame, dit-il, et nous nous entendons à merveille. La folie existe ! C’est de la folie cachée, qui peut ne jamais paraître ou ne paraître qu’une fois ou deux dans sa vie, mais elle est de la plus terrible espèce. Les accès en sont courts et sont occasionnés par une violente pression du cerveau. La dame n’est pas folle, elle a seulement la tache héréditaire dans le sang. Elle a la ruse de la folie et toute la prudence de l’intelligence ; en un mot, monsieur Audley, elle est dangereuse ! »

Le docteur Mosgrave fit un tour ou deux dans l’appartement avant de reprendre la parole.

« Je ne discuterai pas les probabilités des soupçons qui vous torturent, monsieur Audley, dit-il tout à coup, mais je ne vous conseille pas de faire un esclandre. Ce M. George Talboys a disparu. Vous n’avez pas les preuves de sa mort, et le seul motif d’accusation que vous auriez à faire valoir, ce serait la nécessité où elle était de se débarrasser de lui. Aucun jury des trois royaumes ne la condamnerait pour si peu. »