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DE LADY AUDLEY

Neuf heures sonnèrent à la pendule du vestibule au moment où Robert ouvrit la porte de la bibliothèque. Alicia venait de descendre avec sa servante, jeune campagnarde aux joues roses.

« Adieu, Robert, lui dit-elle, en lui tendant la main, adieu et comptez sur moi ; je soignerai mon père.

— J’y compte, adieu, Alicia. »

Pour la seconde fois de la soirée, Robert Audley pressa de ses lèvres le candide front de sa cousine ; et, pour la seconde fois, ce baiser fut celui d’un père ou d’un frère, et ne ressembla en rien à celui que lui eût donné sir Harry Towers.

À neuf heures cinq minutes, sir Michaël parut suivi de son valet à cheveux gris. Le baronnet était pâle, mais maître de lui. La main qu’il tendit à son neveu était froide comme de la glace, mais ce fut d’une voix ferme qu’il dit adieu à Robert.

« Je laisse tout entre vos mains, Robert, lui dit-il au moment de s’éloigner de cette maison qu’il avait habitée si longtemps. Je ne sais pas la fin de cette histoire, mais j’en ai entendu assez. Dieu sait que je n’ai pas besoin d’en entendre davantage. Je laisse tout entre vos mains, mais ne soyez pas cruel… souvenez-vous que je l’aimais… »

Il ne put achever sa phrase, la voix lui manqua.

« Je me souviendrai, répondit le jeune homme, et je ferai tout pour le mieux. »

Les larmes empêchèrent Robert de voir la figure de son oncle, et une minute après, la voiture était loin, et le neveu de sir Michaël avait repris sa place au coin du feu de la bibliothèque. Il songeait à la terrible responsabilité qu’il venait d’assumer en se chargeant de la destinée d’une femme coupable.

« Assurément, se dit-il, Dieu me punit d’avoir mené une vie si indolente jusqu’au mois de septembre dernier. C’est sans doute pour que je fasse amende hono-