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DE LADY AUDLEY

durait aurait à tout prix cessé. Il lui semblait que la journée durerait éternellement et que la marche du temps était arrêtée, ainsi qu’elle l’avait voulu un moment dans sa folie.

« Comme la journée a été longue !… s’écria Alicia abondant dans le même sens que milady. Rien que de la pluie, du vent et du brouillard. Et maintenant qu’il est trop tard pour sortir, il fait beau, » ajouta la jeune fille d’un air contrarié.

Lady Audley ne répondit pas. Elle regardait le cadran de l’horloge immobile, et attendait ce messager qui devait infailliblement arriver d’un moment à l’autre.

« Ils ont eu peur de venir lui annoncer la nouvelle, pensait-elle, ils ont eu peur de tout dire à sir Michaël. Qui donc aura enfin le courage de se charger de cette mission ? Le recteur de Mount Stanning peut-être ou bien le médecin. En tout cas, ce sera une personne notable. »

Si elle avait pu aller dans l’avenue déserte ou sur la grande route, si elle avait pu aller jusqu’à cette colline où elle avait renvoyé Phœbé, avec quelle ardeur elle y aurait couru. Elle aurait préféré n’importe quelle douleur à cette attente cruelle, qui torturait son cœur et son esprit. Elle essaya de causer et parvint péniblement à prononcer quelques lieux communs. En toute autre circonstance sa compagne aurait remarqué son embarras, mais miss Audley était trop ennuyée elle-même pour ne pas désirer le silence autant que sa belle-mère. Cette promenade monotone sur le chemin caillouté plaisait à Alicia dans sa situation d’esprit. Je crois même qu’elle prenait un malin plaisir à caresser l’idée qu’elle s’enrhumait, et que Robert était responsable du danger qu’elle courait. Si elle avait pu, en s’exposant ainsi au souffle glacé du vent de mars, gagner une bonne pleurésie, ou amener quelque rupture