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LE SECRET

Le gardien des meubles, qu’un tiers de la liqueur engloutie par Marks avait plongé dans une demi-rêverie, regarda tout étonné l’aubergiste et sa femme. Il était assis près de la table sur laquelle il avait planté ses coudes pour ne pas glisser dessous, et il faisait de vains efforts pour allumer sa pipe à une chandelle qu’il avait devant lui.

« Milady a promis de régler cette affaire, » riposta Phœbé, sans s’occuper des remarques de Luke.

Elle connaissait assez la nature entêtée de son mari pour savoir qu’il était inutile de chercher à l’empêcher de parler ou d’agir quand il s’était mis en tête de le faire.

« Elle est venue ici pour cela ce soir même, Luke, » ajouta-t-elle.

Le tisonnier s’échappa des mains de l’aubergiste et fit grand bruit en tombant.

« Lady Audley est venue ici ce soir ? s’écria-t-il.

— Oui, Luke. »

Milady parut sur le seuil au même instant.

« Oui, Luke Marks, dit-elle, je suis venue payer cet homme et le renvoyer. »

Lady Audley prononça ces mots comme si elle les avait appris par cœur et les répétait sans savoir ce qu’elle disait.

Marks posa son verre vide sur la table d’un air de mécontentement et dit en faisant un geste d’impatience :

« Vous auriez pu donner l’argent à Phœbé ; elle l’aurait apporté aussi bien que vous. Nous ne voulons pas ici de belles dames pour fourrer leur nez partout.

— Luke… Luke… fit observer Phœbé, vous oubliez combien milady a été bonne.

— Au diable sa bonté ! c’est son argent qu’il nous faut et sans espoir de reconnaissance encore. Ce qu’elle fait, elle est forcée de le faire, sinon elle s’en garderait bien. »