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DE LADY AUDLEY

Boule et de porcelaine portant le chiffre de Marie-Antoinette d’Autriche, entouré d’oiseaux, de papillons, de bergères et de déesses ; des statuettes en marbre de Paros et en biscuit de Chine ; des corbeilles remplies de fleurs de serre toutes dorées ou en filigrane, et des fragiles tasses à thé ornées des médaillons en miniature de Louis le Grand, de Louis le Bien-Aimé, de Louise de la Vallière et de Jeanne-Marie du Barry. Tout ce que l’or peut acheter ou l’art inventer avait été réuni pour embellir ce boudoir où milady était assise, écoutant les plaintes du vent et le frémissement des feuilles de lierre contre ses fenêtres, et regardant la flamme bleuâtre du charbon du foyer.

Je recommencerais un vieux sermon et je traiterais un sujet rebattu si je profitais de cette occasion pour déclamer contre l’art et la beauté, parce que milady était moins heureuse dans cet appartement élégant qu’une pauvre couturière affamée dans sa mansarde ouverte à tous les vents. La blessure dont elle souffrait était trop profonde pour que des remèdes tels que le luxe et la richesse pussent y apporter du soulagement ; mais son malheur était en dehors des malheurs ordinaires, et je ne vois pas pourquoi j’en ferais un argument en faveur de la misère et de la pauvreté contre le bien-être et la richesse. Les œuvres ciselées de Benvenuto Cellini et les porcelaines de Sèvres ne pouvaient plus rien pour son bonheur, elle était sortie de leur région. Elle n’était plus innocente, et pour que l’art, et ce qui est charmant puisse plaire, il faut aimer les plaisirs innocents. Six ou sept ans avant elle eût été bien heureuse de posséder ce petit palais d’Aladin ; mais depuis qu’elle avait pénétré dans le labyrinthe du crime, tous ces trésors n’étaient plus bons qu’à être foulés aux pieds et brisés dans la rage du désespoir.

Il y avait pourtant plusieurs choses qui auraient pu