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DE LADY AUDLEY

fort thé qui eût jamais été fait dans l’auberge du Soleil, et d’être, en outre, assez bon pour différer leur voyage jusqu’au jour suivant. Naturellement, George y consentit, et Robert Audley passa l’après-midi dans une chambre aux volets fermés, avec un journal de Chelmsford, vieux de cinq jours, pour distraire sa retraite.

« Ce n’est pas autre chose que les cigares, répéta George plusieurs fois ; que je sorte d’ici sans voir mon hôtelier ! car si cet homme et moi nous nous rencontrions ici, il y aurait du sang versé. »

Heureusement pour la tranquillité d’Audley, il arriva que c’était jour de marché à Chelmsford, et que le digne aubergiste était parti dans sa carriole pour se procurer des provisions pour sa maison ; entre autres choses, peut-être, une nouvelle provision de ces mêmes cigares qui avaient un si funeste effet sur Robert.

Les jeunes gens passèrent, sans profit, une triste, ennuyeuse et mortelle journée, et à la nuit, M. Audley proposa de descendre au château et de demander à Alicia de les promener dans l’habitation.

« Cela nous fera tuer une couple d’heures, George, et ce serait grand dommage de vous faire sortir d’Audley sans vous avoir montré le vieux manoir qui, je vous en donne ma parole, vaut bien la peine d’être vu. »

Le soleil baissait, lorsqu’ils coupèrent court à travers les prairies et entrèrent par une barrière dans l’avenue conduisant à l’arceau. Le soleil couchant était livide, chargé de vapeurs et menaçant ; un calme lugubre était dans l’air et effrayait les oiseaux disposés à chanter, qui laissaient le champ libre à quelques insidieuses grenouilles coassant dans les fossés. Malgré l’immobilité de l’atmosphère, les feuilles bruissaient avec ce sinistre mouvement frémissant qui ne provient d’aucune cause extérieure, mais qui est plutôt un frisson instinctif des frêles branches, et l’annonce de