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LE SECRET

n’ai jamais eu confiance en ces individus qui vous demandent la valeur de treize timbres-poste, et offrent de vous dire ce que vous n’avez jamais pu découvrir vous-même ; mais, sur ma parole, je crois que si je n’avais jamais vu votre tante, je la connaîtrais telle qu’elle est par cette petite feuille de papier. Oui, il y a là dedans, — les blondes et légères boucles à reflet d’or, les sourcils tracés au pinceau, le nez droit et effilé, l’irrésistible sourire de jeune fille : tout cela peut être deviné dans ces quelques traits qui montent et descendent. Regardez ici, George. »

Mais, l’esprit absorbé et mélancolique, George Talboys s’était promené à l’écart, le long du bord d’un fossé, et était arrêté, abattant les joncs avec sa canne, à une demi-douzaine de pas de Robert et d’Alicia ;

« Vous n’y pensez pas, dit la jeune demoiselle avec impatience, car elle n’avait goûté en aucune façon la dissertation sur le petit billet de milady. Donnez-moi cette lettre et laissez-moi partir ; il est huit heures passées, et je dois faire une réponse par le courrier de ce soir. Allons, Atalante ! Bonsoir, Robert… Bonsoir, monsieur Talboys… un bon retour à Londres. »

La jument bai châtain partit vivement au petit galop dans l’étroit chemin, et miss Audley était hors de vue avant que les deux grosses et brillantes larmes suspendues un moment dans ses yeux ne fussent refoulées par fierté dans son sein, après avoir surgi de son cœur endolori.

« N’avoir qu’un cousin sur la terre, s’écria-t-elle avec passion, mon plus prochain parent après papa, et penser qu’il fait autant de cas de moi que d’un chien ! »

Par le plus simple des accidents, cependant, Robert et son ami ne purent partir par le train express de dix heures cinquante, dans la matinée suivante, car le jeune avocat se réveilla avec un si violent mal de tête, qu’il pria George de lui commander une tasse du plus