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DE LADY AUDLEY

C’était l’équipage de sir Michaël Audley qui s’était arrêté subitement devant la petite auberge. Le harnais du cheval de volée était dérangé, et le premier postillon était descendu pour réparer l’accident.

« Mais, c’est mon oncle ! s’écria Robert, comme la voiture s’arrêtait ; je vais descendre et lui parler. »

George alluma un autre cigare, et abrité derrière les rideaux des croisées, regarda cette petite réunion de famille. Alicia était assise le dos tourné aux chevaux, et il put remarquer, même dans l’ombre, que c’était une belle brunette ; mais lady Audley étant placée dans la voiture, du côté le plus éloigné de l’auberge, il ne put rien voir de cette merveille aux beaux cheveux dont il avait tant entendu parler.

« Quoi ! Robert ! s’écria sir Michaël, comme son neveu sortait de l’auberge ; voilà une surprise.

— Je ne suis pas venu pour aller chez vous, au château, mon cher oncle, dit le jeune homme, tandis que le baronnet lui secouait la main cordialement. Essex est mon comté natal, vous le savez, et à cette époque de l’année, j’ai ordinairement une atteinte de la maladie du pays ; aussi George et moi sommes-nous descendus à l’auberge pour deux ou trois jours de pêche.

— George… George qui ?

— George Talboys.

— Ah ! est-ce qu’il est venu ? s’écria Alicia. J’en suis enchantée, car je meurs d’envie de voir ce jeune et beau veuf.

— Vraiment, Alicia ? dit son cousin ; eh bien, alors, je cours vous le chercher et vous le présenter à l’instant. »

L’empire que lady Audley, avec ses façons étourdies de jeune fille, avait gagné sur son idolâtre époux, était maintenant si complet, qu’il était extrêmement rare que les yeux du baronnet fussent longtemps détournés