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LE SECRET

heures très-probablement. Ils doivent passer par ici pour rentrer chez eux. »

Dans ces circonstances, naturellement, il était inutile d’aller au château, aussi les deux jeunes gens se promenèrent-ils dans le village : ils examinèrent la vieille église et allèrent ensuite reconnaître les ruisseaux dans lesquels ils avaient l’intention de pêcher le lendemain, et par ces moyens trompèrent le temps jusqu’à sept heures passées. Un quart d’heure après ils retournèrent à l’auberge, s’accoudèrent sur la croisée ouverte et, allumant leurs cigares, contemplèrent le paysage tranquille qui était devant eux.

On entend parler tous les jours de meurtres commis dans les campagnes, d’assassinats remplis de trahison et de barbarie ; d’agonies obscures et prolongées causées par le poison administré par la main de quelque proche parent ; de morts soudaines et violentes, par de cruels coups donnés avec un bâton coupé à quelque chêne dont l’ombrage ne promettait que le calme et la paix. Dans le comté dont je parle, on m’a montré une prairie où un jeune fermier, par une tranquille soirée d’un dimanche d’été, avait assassiné une fille qui l’avait aimé et s’était livrée à lui ; et même maintenant avec la tache de cette horrible action, l’aspect de ce lieu respire encore la paix. Il n’est pas de crime commis dans les plus mauvais lieux de Seven Dials qui n’ait été perpétré aussi en face de ce doux calme des champs pour lequel, malgré tout, nous avons un regard de tendresse, de sympathie à moitié triste, mais toujours accompagné de l’idée de paix.

Il était nuit lorsque gigs et chaises, dog-carts et lourds phaétons de fermiers commencèrent à rouler avec fracas dans les rues du village et sous les croisées de l’auberge du Soleil ; la nuit était plus noire encore lorsqu’une voiture découverte attelée de quatre chevaux se rangea sous l’enseigne tremblante.