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DE LADY AUDLEY

vraiment cruel de traiter ses lettres aussi cavalièrement ; je veux garder celle-ci. »

Et, sur ce, M. Robert Audley replaça la lettre dans son enveloppe et la jeta ensuite dans une case du bureau de son cabinet étiquetée important. Dieu sait les merveilleux documents qui étaient dans cette case particulière ; mais je ne pense pas qu’elle eût jamais renfermé positivement quelque pièce d’une grande valeur judiciaire. Si quelqu’un avait dit en ce moment au jeune avocat qu’une chose aussi simple que la courte lettre de sa cousine était destinée à devenir un jour un des anneaux du terrible enchaînement de preuves qui devait être plus tard lentement reconstruit, et former le seul cas criminel dans lequel il dût jamais être intéressé, M. Robert Audley aurait peut-être relevé ses sourcils un peu plus haut que d’habitude.

Les deux jeunes gens quittèrent donc Londres, le lendemain, avec un portemanteau et tout un attirail de pêche, et ils arrivèrent au village écarté d’Audley, avec ses constructions anciennes et presque ruinées, assez à temps pour commander un bon dîner à l’auberge du Soleil.

Le château d’Audley était environ à trois quarts de mille du village, situé, comme je l’ai dit, dans un bas-fond, encaissé dans un cercle de bois de haute futaie. On ne pouvait y arriver que par un chemin de traverse bordé d’arbres et aussi bien entretenu que les avenues d’un parc princier. C’était une assez triste résidence, même dans toute sa beauté rustique, pour une créature aussi brillante que la ci-devant miss Lucy Graham ; mais le généreux baronnet avait transformé l’intérieur du vieux manoir grisâtre en un petit palais pour sa jeune femme, et lady Audley paraissait aussi heureuse qu’un enfant entouré de jouets nouveaux et précieux.

Dans sa bonne fortune, comme dans ses anciens