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LE SECRET

petit George Talboys fut rédigé dans l’étude d’un avoué le matin suivant.

« C’est une grande responsabilité, s’écria Robert ; moi, gardien de quelqu’un ou de quelque chose ! moi qui n’ai jamais pu de ma vie prendre soin de moi-même !

— J’ai confiance en votre noble cœur, Bob, dit George ; je sais que vous prendrez soin de mon pauvre enfant orphelin, et que vous surveillerez s’il est bien traité par son grand-père. Je prendrai sur la fortune de George seulement assez pour me ramener à Sydney et alors je me remettrai à mon ancien travail. »

Mais il semblait que George fût destiné à être lui-même le tuteur de son fils, car lorsqu’il arriva à Liverpool, il trouva qu’un vaisseau venait justement de prendre la mer et qu’il n’y aurait pas d’autre départ avant un mois ; aussi retourna-t-il à Londres, et une fois encore il eut recours à l’hospitalité de Robert Audley.

L’avocat le reçut les bras ouverts ; il lui donna la chambre aux oiseaux et aux fleurs, et fit dresser pour lui-même un lit dans le cabinet de toilette. La douleur est si égoïste que George ne s’aperçut pas des sacrifices que son ami faisait pour son bien-être. Il savait seulement que pour lui le soleil était obscurci et sa vie terminée. Il restait assis tout le long du jour, fumant des cigares, les yeux fixés sur les fleurs et sur les canaris, s’irritant du temps qu’il fallait passer avant qu’il pût être bien loin en mer.

Mais, justement comme approchait l’heure du départ d’un bâtiment, Robert Audley vint un jour tout plein d’un grand projet. Un de ses amis, un autre de ces avocats dont la dernière pensée est celle des procès, se proposait d’aller passer l’hiver à Saint-Pétersbourg, et demandait à Robert de l’accompagner.